Le 21 mai 2025, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un avis très attendu : le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant, en application de l’article 1515 du Code civil, ne constitue pas une opération de partage.

Cette décision vient lever les incertitudes doctrinales et pratiques autour du traitement juridique du préciput, en confirmant qu’il s’agit d’un mécanisme autonome, distinct du partage classique.

Clause de préciput

Rappel : qu’est-ce que la clause de préciput ?

La clause de préciput est une stipulation insérée dans un contrat de mariage, généralement sous régime communautaire, qui permet au conjoint survivant de prélever un ou plusieurs biens de la communauté avant tout partage, sans contrepartie et sans que ce prélèvement ne s’impute sur sa part héréditaire.

Concrètement, le conjoint survivant peut prélever certains biens (résidence principale, compte bancaire, titres financiers, etc.) dans la limite de l’actif net communautaire, sans l’accord des héritiers. C’est un mécanisme puissant de protection patrimoniale.

Ses principaux avantages sont :

  • Protection du conjoint survivant,
  • Exonération de droits de partage,
  • Réduction du risque de conflits avec les héritiers,
  • Simplicité d’exécution.

L’avis de la Cour de cassation du 21 mai 2025

Jusqu’à présent, la qualification juridique du préciput faisait l’objet de discussions. Devait-il être considéré comme une opération de partage (et donc assujetti aux droits de partage) ? Ou comme un acte préalable indépendant ?

Dans un décision très attendue, la Cour de cassation tranche clairement en faveur de la seconde option.

Elle rappelle que :

  • Le préciput s’exerce « avant tout partage » (article 1515 du Code civil),
  • Il n’implique pas de contrepartie et ne constitue pas un « lot »,
  • Il n’est pas soumis à l’accord des coindivisaires et repose sur une faculté unilatérale du conjoint survivant,
  • Il ne résulte pas d’une opération amiable ou judiciaire de répartition des biens.

Par conséquent, le prélèvement préciputaire n’entre pas dans la définition de l’opération de partage telle qu’entendue aux articles 835 et suivants du Code civil.

Cela signifie notamment qu’il n’ouvre pas droit à perception des droits de partage, fixés à 2,5 %.

Les conséquences pratiques

Cette décision a plusieurs impacts importants :

  1. Sécurisation juridique : Elle renforce la validité du dispositif dans les successions où la clause est activée.
  2. Optimisation fiscale : Les praticiens peuvent légitimement exclure le préciput de l’assiette soumise aux droits de partage.
  3. Protection effective du conjoint survivant : Celui-ci n’a ni à négocier ni à justifier son choix ; il exerce un droit propre, librement.
  4. Valorisation de l’ingénierie matrimoniale : Cette décision renforce l’intérêt de mettre en place des clauses de préciput, en amont, au moment du contrat de mariage ou d’un changement de régime matrimonial.

À noter : cette décision a été rendue par la première chambre civile. Une décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation est encore attendue, notamment en ce qui concerne l’interprétation fiscale. Les professionnels espèrent une cohérence entre les deux formations.

Pour conclure

L’avis de la Cour de cassation du 21 mai 2025 est une clarification bienvenue pour les notaires, avocats, conseillers patrimoniaux et les familles concernées. Le préciput se confirme comme un outil précieux d’anticipation successorale, sûr, souple et protecteur.

Il reste toutefois essentiel de bien en mesurer les effets, notamment en présence d’enfants non communs ou de patrimoines importants. Un accompagnement juridique et patrimonial reste indispensable pour adapter la clause aux objectifs du couple.

Pour toute question sur la mise en place d’une clause de préciput ou sur l’ingénierie patrimoniale en général, n’hésitez pas à nous contacter.

Sources :

  • Code civil, art. 1515 à 1519
  • Cour de cassation, 1ère civ., avis du 21 mai 2025, pourvoi n° 23-19.780, avis n° 9001
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